AAC – Économie et Institutions (numéro spécial) – « Néolibéralisme et institutionnalisme : de la critique du Consensus de Washington à l’institutionnalisme féministe »

Le Consensus de Washington est un ensemble de mesures (Williamson 1990), généralement résumé par le triptyque stabilisation, libéralisation, privatisation, qui devient, avec l’appui du FMI et de la Banque mondiale, la source d’inspiration principale des programmes de réformes structurelles mis en œuvre dans les années 1990 dans de nombreux pays, notamment en Amérique Latine, en Afrique sub-saharienne et en Europe centrale et orientale. Face aux résultats pour le moins décevants de ces programmes sur tous les continents (Rodrik 2006), la Banque mondiale reconnaît leur échec au cours de la décennie suivante. La cause principale de cet échec réside, selon elle, dans l’insuffisante prise en compte des institutions dans l’analyse (World Bank 2005). Ce faisant, elle participe plus largement à la reconnaissance du rôle des institutions dans la dynamique économique et au « tournant institutionnaliste » en économie (Evans 2005). Cette reconnaissance ne signifie pas pour autant une remise en cause radicale du paradigme néoclassique, mais conduit notamment les organisations internationales ainsi que de nombreuses ONG à définir un nouveau paradigme d’analyse et d’action basé sur le « développement social ». Un des aspects du développement social met l’accent sur la pauvreté des femmes (Prévost et Palier 2007), qui sont désormais ciblées spécifiquement par les politiques de développement, à travers des thématiques nouvelles telles que l’empowerment, le capital humain, le microcrédit (Guérin 2015). Ce renouveau théorique s’est traduit également par le développement, dans les années 1990-2000, de l’institutionnalisme féministe aux Etats-Unis (Waller & Jennings 1990 ; Jennings 1993), stimulé également par le courant Feminist Economics qui commence à se constituer (Ferber & Nelson 1993). Cette problématique est néanmoins plus ancienne. Dès la fin du 19ème siècle, le courant institutionnaliste est d’emblée sensible à la question des inégalités entre hommes et femmes et de la division sexuelle du travail, ainsi qu’à leur portée sociale. Cependant, après les travaux pionniers de Thorstein Veblen (1894 ; 1899) et de Charlotte Perkins Gilman (1903) sur le statut social et économique des femmes, la question est délaissée par l’économie institutionnaliste. À partir des années 1990, le lien entre «ancien institutionnalisme» (Chavance 2007) et institutionnalisme féministe est l’occasion de nouveaux débats (Waller et Jennings 1990 et 1991). Bien que cette discussion ait mis en évidence de nombreux points communs entre institutionnalisme et féminisme (par exemple, le rôle du contexte historique et social, la fausse dichotomie entre privé et public (Jennings 1993) ; la définition de l’objet de l’économie comme « social provisioning » (Power 2004) ; la fausse autonomie de l’homo oeconomicus (Ferber & Nelson 1993) ; etc.), cette approche d’un institutionnalisme féministe ne s’est jamais imposée comme une question centrale ni dans l’économie féministe, ni dans l’économie institutionnaliste.

Récemment, le lien entre institutionnalisme et féminisme a fait l’objet de plusieurs publications (Morel 2007 ; Fraser 2014 ; Morel et al. 2019), notamment autour de la question de la critique du néolibéralisme (Waller & Wrenn 2021). C’est ce lien que ce numéro spécial se propose d’étudier, en mettant en évidence comment la critique du néolibéralisme a permis l’émergence de nouvelles contributions institutionnalistes, depuis la critique du Consensus de Washington jusqu’au renouveau de l’institutionnalisme féministe. Les contributions pourront être de nature historique, renouvelant l’analyse du « tournant institutionnaliste », ou théorique, montrant comment des éléments de théorie féministe peuvent enrichir l’approche institutionnaliste. Les contributions empiriques sont également bienvenues, soit en mobilisant l’institutionnalisme féministe pour analyser les caractéristiques d’un régime d’accumulation néolibéral ainsi que ses transformations en cours, soit en analysant les évolutions néolibérales d’institutions dans lesquelles se (re)configurent les inégalités entre hommes et femmes (marché du travail, école, famille, protection sociale, relations professionnelles, etc.). Des contributions issues de toutes les disciplines relevant des sciences sociales seront les bienvenues (économie, mais aussi anthropologie, géographie, sociologie, etc.).

CALENDRIER

Les auteur.e.s peuvent soumettre des intentions d’articles d’environ 500 mots au comité scientifique jusqu’au 15 janvier 2023.

Les textes finalisés sont attendus pour le 15 juin 2023.

COMITE SCIENTIFIQUE

I. Berthonnet (Ladyss, Université Paris Cité, irene.berthonnet@u-paris.fr) ; P . Grouiez (Ladyss, Université Paris Cité ; pascal.grouiez@u-paris.fr) et E. Magnin (Ladyss, Université Paris Cité ; eric.magnin@u-paris.fr).

Le site de la revue.

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